La petite danseuse
de rue
Elle danse, danse, danse, petite fille dans la tourmente. Coquelicot abandonné au vent, fleur sauvage au goût amer.
Pour oublier les pavés froids, la soupe qui ne vient que le soir, les couvertures absentes, maman qui pleure, papa qui boit. L’école où elle ne va pas. Elle danse, tombe et se relève, jamais ne pleure mais rit souvent. De tout, de rien, rire de fou, fou-rire, rire franc d’enfant. Pour oublier cette abjecte misère qui lui colle à la peau comme la poussière sale des ruelles où se cachent les sans toit, les sans rien, les sans amour. Les sans toi ni moi.
Et pourtant… Elle danse, elle rit, elle a peur, elle rêve au prince charmant.
Mais le prince a un gout de poussière qui lui colle aux lèvres, désespérément. Elle rêve qu’elle est une fleur des prés, une fleur papillon qui vole et emporte ses rêves sur l’autre rive de la terre.
Elle va, elle vient, se perd, repart… et un jour jamais ne revint.
Un beau jour, - était-ce un beau jour pour elle ? - elle a pris la route, fuyant la ville, fuyant la foule-angoisse. Celle qui te mange du regard, du bout des lèvres, celle qui se détourne, se retourne, qui gronde, grandit et te laisse sur le chemin.
D’où viens-tu ? Où vas-tu ? Qu’espères-tu ?
Avant que personne ne le lui demande, elle a pris la route de tous les vents. Pris la route qui mène où rien ne coûte, où personne ne doute. Quand le vent gémit dans les rues de poussière, on distingue son rire et la mélodie de son âme. Elle danse, danse, oubliant la tourmente, petite fille dans les nuages, à la face du monde taisant ses galères.
La petite danseuse des rues exécute sa plus belle chorégraphie.
Son corps en fleurs couvert de roses blanches ferait pleurer la terre entière, mais personne ne l’entend…
Ne l’entendra plus jamais.
Et plus jamais, jamais ne l’aura la rue.
Bernadette Boissié-Dubus "les petits chemins de traverse"
Ce livre n’est rien que quelques instants volés au temps qui passe inexorablement, aux lieux qui se transforment, à la vie qui va son petit bonhomme de chemin. Des routes, des instants, des rêves éveillés. Quelques réflexions à ne pas prendre à la lettre. Des vies qui passent, s’effacent, nous tirent par la manche et nous lâchent sur des sentiers souvent chaotiques, ou impasses fleuries qu’on ne voudrait plus jamais prendre en sens inverse. Je vous invite à mes croisées de chemins, parfois au risque de vous choquer. Les chemins sont faits pour cheminer, alors cheminons ensemble, même si, au bout du compte, le chemin n’est qu’un cul-de-sac.
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à propos de la photo de la jeune fille qui danse