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Clair de Plume 34 association vicoise des Ecrivains colporteurs

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Textes de Joseph Teyssier sur la honte

Publié le 8 Février 2015 par CLAIR DE PLUME in nos écrivains

Textes de Joseph Teyssier sur la honte

 

Recette.

 

Avec votre vue basse et malgré de mythiques lorgnons, vous faites rissoler les oignons et les rognons dans un poêlon muni d'un manche que vous aurez récupéré d'un balai. Mais avant vous avez tenté de pénétrer dans un magasin, avec ou sans effraction, je ne sais. Toujours est-il que vous avez cru la porte ouverte et vous vous êtes cogné contre une vitre titanesque et vous avez découvert des étoiles qui rissolaient dans une casserole avec un roquefort et un jaune d’œuf. N'ayez pas de vergogne, ça arrive à tout le monde de batailler avec une enceinte de six et qu'elle ne s'obliger à ne pas s'ouvrir.

Ne comprenant votre méprise, un gamin de dix ans ironise comme un simplet de dernière heure. Surtout ne paniquez pas, il mérite un Paris Brest sur la joue droite et un retour sur la joue gauche avec de la farine du meunier qui dort. Vous demandez de l'aide à sa mère, celle-ci rumine en fouettant son sarcasme dans un faitout allant au four du potier. Il vous en cuira des éclairs d'orages garnis de cuisses de grenouilles.

Ne soyez pas gêné, vous déposerez la hantise sur la table de travail que vous pétrirez en affrontant le couteau du bourreau avec humiliation comme une pâte à modeler les reins du taureau qui avez été assassiné dans une arène.

Je ne sais si la colère est bonne conseillère mais cuisinez-là avec douceur, la méduse en panne de baleines, elle aura besoin d'une Muse pour soutenir sa surface aborale avec des bâtonnets de brochettes.

Retirez les poissons rouges de leur bocal, vous les entaillerez pour retirer les sardines qui se sont malencontreusement aventurées dans leurs entrailles pour échapper aux dents de la mer. Vous ferez fondre le beurre noir avec de l'encre du poufre de Sète et faites les crépiter sur un lit de sauterelles.

Ce n'est pas de votre faute si vous avez cogné la paroi remplie d'affichettes affûtées avec la pointe bic, ça arrive à tout le monde. Je cache ma fuite dans le couloir de la mort pour franchir la sortie de secours en accommodant mes restes avec des lardons grillés de canailles.

De mes contrepèteries vous comprendrez ce que vous voulez, je me verse un verre d'eau du marc de muscat.

Une fois la vergogne passée et les plats confectionnés avec humilité, vous allez les introduire dans un four très chaud afin de faire rougir les têtes de linottes embrochées de piètres étourdis. Patientez en faisant taire votre taureau en le prenant par les cornes, vous éviterez les adrénalines d'une cuisson ratée par les contre-pieds de la dame de carreau

À la fin vous servez vos convives et vous serez certain qu'ils ne vous réclameront pas un deuxième tour. Vous surmonterez cette élection en dégustant les plats de la Michèle ainsi-soit-il.

La vergogne et la honte sont à consommer sans modération.

 

 

 

Épitaphe.

 

Ci-gît devant la porte du magasin un homme,

Sans vergogne, il est tombé sur le pas de l'honneur,

Il avait caché son humiliation durant sa chute.

Priez pour lui, ce n'était pas de sa faute s'il était bigleux

La porte est la véritable cause de sa hantise.

Il avait caché sa honte

Devant les enfoirés des restos du choeur.

Il avait rougi en versant son sang dans le fossé de l'infortune

Et gêné, il devait subir les affronts d'un marmot.

Cet homme avait dû surmonter les galons de sa hiérarchie

Pour ne pas franchir le seuil maudit de la déchéance humaine.

Hélas, il y avait panique à bord !

Devant se taire il avait pris la fuite,

Malgré le courage invincible d'une dame en blanc.

Œil pour œil, dent pour dent, bon pied bon œil,

Il affronta les lois de talion.

Il rumine maintenant son trèfle à quatre feuilles

N'hésitant pas à semer le blé de la Sainte Barbe.

Repose-en paix !

 

 

 

Lettre à ma mère.

 

 

Maman au secours,

 

Je ne t'écrirai pas avec un crayon car j'ai honte de ne plus avoir de mine pour faire sauter la baraka. Je prends ma plume sergent-major, je la trempe dans de l'encre Waterloo et je jette l'ancre sur le papier, le papier dans l'enveloppe. Ma lettre dans une boite funéraire et s'en ira ainsi porter mes nouvelles par le radeau de la méduse. Je dois t'annoncer que l'autre jour j'ai buté dans une porte invisible du magasin. Moi, ce n'est pas grave mais le magasin a dû affronter l'humiliation d'une démolition subite. Malheureusement j'ai surmonté la raillerie d'un gamin de dix ans encouragé par sa mère exubérante en dérobant sur un rayon une barre de chocolat, elle était orpheline.

Je ne raconte pas la hantise que j'ai dû ruminer à cause de ce malheureux incident. J'ai eu des nouvelles de tonton Jules qui était mort depuis trois jours, il s'est réveillé brusquement en tombant du lit. Ce n'est pas la faute de Voltaire, il n'avait pas encore inventé son fauteuil.

Ce sera bientôt la foire aux ânes, je m'inscrirai pour avoir le bonnet, il sera utile pour cacher la panique. Quand je serai sur le dos de la bête, je me protégerai en évitant les chutes contre les bosses de ralentissement. Ensuite je participerai à la foire aux cochons et je franchirai la ligne de démarcation pendant les périodes de soldes. Ça sera l'occasion d'acheter des chaussettes pour remplacer les trous de mes vieilles.

J'ai reconnu le gamin du magasin, c'est le fils de la tante Berthe, tu sais celle qui a pris la fuite pendant son mariage avec le cousin Isidore. Elle était gêné car elle avait rougi d'avoir à révéler le droit du cuissage avec le baron d'Arachid, un homme de trois cent cinquante sept ans, ça fait désordre.

Je termine ma lettre car je dois taire les rumeurs qui courent, on aurait volé un billet de dix euros. Après maintes recherches ils n'ont trouvé que neuf euros cinquante, la pièce de cinquante centimes c'est le taureau qui l'a avalé, il faut attendre qu'il aille dans une arène pour rendre un tour de toril au mat à d'or.

Comme signature, je pose ici le seing de ma femme qui fait téter son cadom du baptême de son bébé.

P.S. Si tout savais la vergogne que je me suis pris en t'écrivant, j'ai consommé tout le buvard, il ne m'en reste plus, pour essuyer le dernier jet d'arrosage. Ma tasse de café est vide, je dois la remplir de contrepèteries. Adissiatz.

 

 

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