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Clair de Plume 34 association vicoise des Ecrivains colporteurs

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LE TERROIR DES MUSCATS

Publié le 7 Décembre 2009 par CLAIR DE PLUME in articles de gardiolarem

A la découverte d’un terroir viticole unique :
les Aresquiers

 





Dans un triangle délimité par la mer/les étangs, le Massif de la Gardiole et le Bois, l’espace des Aresquiers, calé à l’abri des vents, forme, sur le mince et fragile cordon littoral, un carrefour où se mêlent terre et eau, forêt et vignes. Au-delà de la carte postale touristique ou d’enjeux environnementaux évidents, ce paysage des plus originaux constitue, depuis bien longtemps, un terroir viticole hors normes.

 

Dans sa définition vigneronne, un terroir est d’abord issu de la combinaison d’un sol et d’un climat. Henri Marès, agronome éminent du XIXème siècle, décrit ainsi Aresquiés : « C’est un mamelon rocheux de 350 Ha, (…) comme une sorte d’îlot rocheux tout particulier par le sol et le climat ». Le sol est fait de « garrigues très pierreuses, couvertes ça et là de chênes verts et de plantes odoriférantes. Le roc se brise et se disloque à la surface, formant un mélange variable de terre et de pierrailles ». Le climat est paradoxal – on parle aujourd’hui de micro-climat sur les Aresquiers- : très chaud et très sec, et pourtant la terre reste fraîche et humide en profondeur, car l’eau est proche. L’influence maritime joue, mais les terres restent à l’abri du mistral et des vents marins chargés de sel. Intrinsèquement, le terroir des Aresquiers possède donc des atouts majeurs pour la culture de la vigne, qui devient l’élément dominant du paysage dès le XVIème siècle.

Le terroir se fonde également sur l’encépagement. Nous savons que la spécialisation en Muscat se fait précocement sur ce terroir (dès l’Antiquité sans doute), et même après les ravages du phylloxéra au XIXème siècle, le terroir est replanté en Muscat, fait unique dans la région. La culture de vignes rouges se développe en parallèle, donnant des résultats qualitatifs probants, nous aurons l’occasion d’y revenir.

Un terroir, c’est encore une terre travaillée depuis des siècles par des hommes. Les modes de culture en Muscat sont caractérisés par une absence de mécanisation jusque tard dans le XXème siècle. Cette dernière reste limitée, en particulier pour les vendanges, encore manuelles en bien des endroits. Les labours, la taille, la lutte contre les maladies relèvent fort longtemps de gestions raisonnées, dont le point d’orgue est le passage précurseur des Muscats en vins bio dès l’année 2009 (Propriétés des Aresquiers en Cave Rabelais).

 

Actuellement, les vignerons éprouvent le besoin de donner une consistance historique à l’élaboration de leurs vins. Nous pouvons leur dire : ici, aux Aresquiers, 2 500 d’histoire –et de vignerons- ont modelé le paysage et créé un espace visuel unique, défini par Pierre Torrès comme « un terroir qui se voit », qui suscite une émotion devant sa beauté, liée à la manière de travailler et de préserver le lieu.

Nous nous appuierons donc sur l’histoire des Aresquiers pour nous tourner vers les options possibles de la vigne sur ce terroir exceptionnel.

 

La première mention du lieu date de 1114. Le seigneur Guillaume de Cornon, partant en croisade, cède aux chanoines de Maguelone le quart de son Bois d’Aresquiez. Du XIIème au XVIème siècle, le Chapitre cathédral de Maguelone possède l’ensemble du lieu, de la mer à l’étang, ainsi que le bois et l’Etang de Maureilhan. Plusieurs lettres papales (1116, 1155 et 1228) le confirment.

En 1536, lors du transfert de siège épiscopal de Maguelone à Montpellier, le Domaine d’Aresquiez passe au Chapitre Cathédral de Saint-Pierre. Il est inféodé jusqu’en 1589 au Juge mage Pierre de la Coste, puis confié à Jean Darles, notaire royal et secrétaire du Chapitre jusqu’en 1615. Bien que le Domaine soit de peu de rapport, le Chapitre en garde la propriété en livrant une bataille juridique contre les héritiers Darles tout au long du XVIIème siècle.

En 1791, lors de la Révolution, Aresquiez est vendu comme Bien National, en même temps que le Domaine de Maurin, à des dénommés Puech, Noguier, Guillaume Sabatier et Jean Allut. Un partage effectué entre eux à l’an V (1797) fait de Jean Allut le seul détenteur d’Aresquiez. Il y adjoint une parcelle acquise entre l’étang de Vic et Tudès.

En 1816, le Domaine est vendu aux enchères à plusieurs associés dans un commerce d’eau de vie de Montpellier. L’un d’eux, Louis-César Cazalis, gendre de Jean Allut, devient l’unique propriétaire en 1824. Le Domaine d’Aresquiés s’étend alors sur 311 ha, et recouvre encore une grande partie du terroir, avec le Domaine de Tudès.

 



La première mention du lieu date de 1114. Le seigneur Guillaume de Cornon, partant en croisade, cède aux chanoines de Maguelone le quart de son Bois d’Aresquiez. Du XIIème au XVIème siècle, le Chapitre cathédral de Maguelone possède l’ensemble du lieu, de la mer à l’étang, ainsi que le bois et l’Etang de Maureilhan. Plusieurs lettres papales (1116, 1155 et 1228) le confirment.

En 1536, lors du transfert de siège épiscopal de Maguelone à Montpellier, le Domaine d’Aresquiez passe au Chapitre Cathédral de Saint-Pierre. Il est inféodé jusqu’en 1589 au Juge mage Pierre de la Coste, puis confié à Jean Darles, notaire royal et secrétaire du Chapitre jusqu’en 1615. Bien que le Domaine soit de peu de rapport, le Chapitre en garde la propriété en livrant une bataille juridique contre les héritiers Darles tout au long du XVIIème siècle.

En 1791, lors de la Révolution, Aresquiez est vendu comme Bien National, en même temps que le Domaine de Maurin, à des dénommés Puech, Noguier, Guillaume Sabatier et Jean Allut. Un partage effectué entre eux à l’an V (1797) fait de Jean Allut le seul détenteur d’Aresquiez. Il y adjoint une parcelle acquise entre l’étang de Vic et Tudès.

En 1816, le Domaine est vendu aux enchères à plusieurs associés dans un commerce d’eau de vie de Montpellier. L’un d’eux, Louis-César Cazalis, gendre de Jean Allut, devient l’unique propriétaire en 1824. Le Domaine d’Aresquiés s’étend alors sur 311 ha, et recouvre encore une grande partie du terroir, avec le Domaine de Tudès.

 

Les travaux qu’il réalise sur le domaine, la notoriété qu’il acquiert, font rayonner le nom d’Aresquiers et attirent l’attention sur les vignerons du Midi. De 1816 à sa mort, en 1863, il ne cesse de défricher et transforme la propriété en domaine viticole d’envergure : de 57 ha, la superficie en vignes passe à 160, puis à 180 ha en cinquante ans.

Nous voudrions retenir ici le travail de valorisation du terroir, basé sur une observation quotidienne de son Domaine : division du terrain après défrichement en vastes compartiments, séparés par d’épais murs de pierre arrachés au sol (contre les vents), que l’on peut encore observer dans la campagne, sur-greffage des vignes anciennes pour les régénérer. Pour cette mise en valeur, Cazalis va parfois à l’encontre des pratiques traditionnelles et introduit des innovations : usage précurseur du sécateur (dès 1824) pour ne pas abimer les raisins, choix judicieux et novateurs dans l’encépagement : introduction, par exemple, de cépages réputés : Pineau (Bourgogne), Cabernet (Bordeaux) – reconnu dans les Concours Agricoles- et même Tokai (Hongrie).

La production de Muscats fins jouit d’une bonne réputation. Dans un souci de recherche de la qualité, Cazalis diversifie les débouchés en travaillant l’élaboration de vins mousseux : « ce moyen a parfaitement réussi pour le Muscat, qui, ainsi traité, donne un vin délicieux et qui se vend très cher ». Il suggère même de faire des Tokai mousseux dans l’Hérault.

La gestion de ce terroir est raisonnée –nous dirions aujourd’hui bio- : pas d’engrais sur les vins fins, pas d’irrigation (la vigne atteint naturellement l’humidité). Par contre, Cazalis prend grand soin du travail à la vigne : labours fréquents, qualité sanitaire de la vendange, lutte contre les maladies, en veillant à « ne pas se hâter de replanter des vignes arrachées » …

 

Certaines de ses observations sont à méditer encore de nos jours : « Les cépages les plus fertiles ne produisent pas toujours les plus mauvais vins » ; « Les propriétaires qui récoltent les meilleurs vins du Midi sont ceux qui ont le moins le revenus » ; « La pratique du mutage (au soufre ou à l’alcool) a beaucoup nui à la réputation de certains crus qui produisaient les meilleurs Muscats (…) La méthode naturelle … est la seule qui permette d’obtenir des vins d’aussi bonne qualité ».

 


 

Après sa mort, le Domaine originel d’Aresquiés est divisé par les successions et les changements de propriétaires. Mais le terroir continue d’être mis en valeur, même si la période fin XIXème-fin XXème siècle malmène la notion, avec le passage à un modèle industriel. Une partie d’Aresquiers bénéficie de l’AOC Muscat de Frontignan à sa création en 1936, et nous retrouvons plusieurs propriétaires à l’origine de l’AOC Muscat de Mireval (Mathieu, Roustan).

Dans les années 1990, un mouvement se dessine pour retrouver l’identité aromatique du Muscat, et proposer une diversification de ses produits : Muscats secs, Mousseux, naturellement doux. Depuis peu, des Caves n’hésitent pas à proposer des vins rosés (Clos Lapierre, Rabelais). Qui osera une diversification en vins rouges, comme celle expérimentée avec succès par Louis-César Cazalis ? Qui se rappelle que ses Syrah, offertes à Château Carbonnieux, prestigieux Domaine des Graves, avaient donné des résultats qualitatifs identiques sur les deux propriétés ?

L’attachement au terroir ne saurait être réduit à une notion passéiste, de repli sur soi face à des attaques extérieures (modèle industriel, mondialisation des échanges). Il est ici source d’innovations, qui s’appuient sur un passé pluri-séculaire (spécialisation précoce en muscat à petit grain, passerillage, production visant l’excellence, peu de mécanisation, culture raisonnée puis bio), ET sur des personnalités innovantes (comme Louis-César Cazalis), des éléments culturels forts (personnalités politiques, littéraires, de renommée). L’histoire apporte un éclairage sur ce qu’est ce terroir, la lenteur avec laquelle il s’est construit (il a fallu des siècles d’expérience), sa spécificité : la vigne a été plantée là par choix, par observations de générations en générations, elle n’est en aucun cas le produit du hasard. Mais sa spécificité porte en elle sa fragilité : le terroir des Aresquiers, comme l’ensemble des vignes de Frontignan à Mireval, est pris en étau entre la pression touristique sur le littoral, les contraintes environnementales fixées par l’homme depuis la deuxième moitié du XXème siècle, et l’expansion démographique qui le fait glisser en zone péri-urbaine de Montpellier. Les réponses aux pressions foncières qui installent l’homme et ses activités au gré de ses convenances nous paraissent aberrantes, car elle font fi de la qualité des terres agricoles et viticoles qui préexistent, et ici tout particulièrement: la vigne a été installée il y a 2 500 ans, elle y a prospéré par les soins de l’homme jusqu’à atteindre de grands raffinements. Qui peut s’en moquer ?

Florence Blancheton

 

 

 

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