Les forçats de la garrigue.
De courageux seniors œuvrent dans la garrigue,
Leurs mains d'acier prennent de bric de broc
Les étranges cailloux, en vrac ou bien en stock
Et ne craignent, ni force et surtout ni fatigue.
Ces hommes olympiens dans leurs faibles ardeurs
Ne rechignent surtout aux pleurs de leurs cuirasses
Pour une digne tâche aux mémoires voraces
Et fascinent alors leurs fraternels labeurs.
La minuscule pierre, une autre plus coquette,
Et l'autre, un mastodonte, au prestige ancestral,
Des vestiges pesants d'un antique augural
Témoignent le respect d'une fougue concrète.
Enfermées dans des gants, les mains des bâtisseurs
Malhabiles au soin et les égratignures
Ne blessent leur honneur dans leurs piètres armures.
Ils ne lésinent point ces vaillants constructeurs.
Ces diables libertins caressent la caillasse,
Ces actifs dévorant les maux jusqu'aux genoux
Montent la capitelle en d'hirsutes remous,
Il faut bien supposer dominer la crevasse.
Ces ogres de devoirs envers les souvenirs
Exhibent des réveils d'une main baladeuse
Pour enfanter l'amour d'une foi doucereuse,
Un fidèle travail à leurs vaillants désirs.
Nous entendons parfois de gaillardes tirades
Escortées d'éclats de voix comme de boute-en-train
Il fait bon de mêler le rire et le turbin,
L'union fait la force aux grivoises boutades.
Il est juste à l'arène, au détour du chemin,
Dans mon prudent écrit leur consacrer l'hommage
Qu'ils méritent enfin de leurs mains à l'ouvrage.
L'amitié se sacre avec un peu de vin.
Ces courageux copains, debout sur les cavernes,
Ce sont des seniors, de simples sénateurs
Qui peinent sans vergogne outre que des seigneurs
Ils gagnent le mérite et l'amour qu'ils maternent.
Joseph Teyssier
Éloge.
C'est comme un pèlerinage quand je promène mon chien dans la garrigue, du côté du Rabassou, et je ne peux empêcher mon cœur battre la chamade quand je contemple ces capitelles.
Cela fait plus de vingt ans que les capitellistes, ces forçats de la Gardiole, bataillèrent avec les pierres blanches pour construire ces édifices.
On dit qu'ils remuèrent plus de vingt tonnes de ces rochers dont certaines pèsent quelques dizaines de kilos, deux cents kilos sans exagérer.
Ils restaurèrent de même un four à chaux sur les pentes arides de la colline et débroussaillèrent un chemin vicinal.
Sur des sentiers ils nous lèguent un patrimoine que les ancêtres avaient façonné.
Les garrigaïres n'étaient-ils pas les paysans de la Gardiole ? C'est ce nom due les amis du vieux musée de Frontignan ont dénommé les fidèles du terroir.
Oyez braves gens ! Profitez de vos belles balades pour contempler les œuvres d'hommes de l'ombre. Elles méritent être protégées par l'Unesco.
Mots créés par les amis du musée
et du vieux Frontignan.
Garrigaïres, paysans de la garrigue,
Capitellistes, bâtisseurs de capitelles,
Occitan cairn, petit édifice de quelques pierres.
Joseph Teyssier
Les capitellistes.
Les courageux héros, maintenant fatigués,
Ont rangé les outils et la hache de guerre,
La potence, la pelle et les marteaux blasés.
D'un pénible devoir ils ne se plaignent guère
Pour fournir à leurs bras un loisir de croisière.
Ils ont écrit l'ouvrage aux angles du terroir
Et gardent mûrement dans leur secret tiroir
Une sage fierté comme dans un beau livre.
Les modestes secrets d'un souverain miroir
Honorent leurs bonheurs au prix d'un savoir vivre.
Le docile gecko en ces endroits pénards
Prélasse sa quiétude et les capitellistes
Dans leurs glorieux efforts imitent les bagnards
Qui dans leurs labeurs sont d'ardus spécialistes,
Ils bichent décors – traditionalistes.
Le fier garrigaïre, au passe-temps secret,
Sifflote son épreuve à l'objectif discret
Comme un samaritain dans un bon égrappage
Demande le répit d'un muscat guilleret
Que la belle cigale obtempère au passage.
Maintenant, stridulons le repos des guerriers,
Ils le méritent bien, leur juste gratitude
À septante ans et plus mais ces aventuriers
De nonante ans aussi jusqu'à la quiétude
Ils broderont le cairn, la nouvelle habitude.
Ils auront turbiné comme des pastoureaux
Les capitelles, mais, aussi le four à chaux,
Composent leur cheptel, le garant des ouvrages,
Oyez braves soldats, merci pour vos travaux.
Oyez les retraités, vous, les vétérans d'âges ! Cairn. (Occitan.)